vendredi 21 décembre 2012

Pietro Fabris - l'initiateur

Pietro Fabris (actif à Naples entre 1756 et 1804) est aujourd'hui considéré comme l'initiateur des gouaches napolitaines.


       Probablement originaire de Grande-Bretagne, notamment selon l’ouvrage d’Hamilton qui précise "native of Great Britain", et serait né à Londres. D’après certains auteurs, il serait le fils de Jacopo Fabris, peintre actif à Londres dans les années 1730-1735, période à laquelle serait né Pietro. Jacopo Fabris partage d’ailleurs avec Pietro l’activité de peintre paysagiste. Sa formation de peintre ne nous est pas connue, mais il aurait étudié à Venise, où il aurait appris la technique de la gouache auprès d’Antonio Joli (1700-77). Hormis quelques séjours à Londres, il effectua l’essentiel de sa carrière à Naples.

"Vue de Naples de la route du Pausilippe, vue de l’est, avec le Riviera de Chiaia et les pêcheurs vendant leurs prises, près d’un palmier" (Trafalgar Galleries, Spinosa, 1987, p162), Vente Christie’s du 7 décembre 2011, signée et datée 'FABRIS Fe t 1756' (en bas à droite), huile sur toile, non ré-entoilée, (71.2 x 103.5 cm.).


      Il s’agit de l’œuvre la plus ancienne que l’on connaît de Pietro Fabris. On y trouve déjà ce qui fera la renommée du peintre, à savoir de grandes vues de la baie de Naples, dans une lumière estivale, et des petites groupes de personnages, souvent issus du peuple napolitain, tels des pêcheurs, des marchands, pris dans leurs activités quotidiennes ou dans des scènes de fêtes. Ce type de représentation sera très prisée par la clientèle en voyage à Naples, désireuse d'acquérir des images pittoresques de la région en guise de souvenirs.

     Le début de carrière de Pietro Fabris est étroitement liée à celle du peintre, Antonio Joli, réputé être à Naples en 1756 avec son mécène, Lord Brudenell. Or, les premières oeuvres de Fabris datent de cette période.
     Ils ont également tous les deux dépeint les festivités qui se déroulèrent lors du départ de Charles de Bourbon, qui règnera sous le vocable de Charles III, et de Marie Amélie, pour l’Espagne, en 1759. Suite au décès de son demi-frère, Ferdinand IV, le roi de Sicile devient roi d’Espagne.

- Pietro Fabris, le départ de Charles de Bourbon pour l’Espagne (1759, Palacio Real, Aranjuez).
- Pietro Fabris, l’embarquement de Charles de Bourbon, vue du port, collection privée, signée et datée « P. Fabris l’Inglese f. 1761 ».

             
Antonio Joli a quant à lui peint :

Le départ de Charles III pour l’Espagne depuis le port, 1759, Musée du Prado (N° P00232), 128 x 205  cm) : il existe quatre version de ce tableau, dont l’une disparut avec l’incendie de l’Ambassade d’Espagne à Lisbonne en 1975. Il s’agit d’une description du port de Naples, le 6 octobre 1759, lors du départ de Charles de Bourbon pour l’Espagne, afin d’y régner en tant que Charles III. Il était alors roi de Naples et de Sicile.

      L’un des thèmes récurrents dans l’œuvre de Fabris fut la tarentelle, les fêtes… Très demandé par sa clientèle. Il semblerait que Fabris utilisait des dessins ou des estampes comme archives, permettant à ses clients de choisir exactement ce qu’ils souhaitaient voir représentés. Il représente ainsi les activités préférées des napolitains : visiter des grottes en bateaux, pique-niquer et danser à l’intérieur de celles-ci ou encore pécher à la lueur des torches. Il lie ainsi parfaitement une peinture de paysage, héritée d'artistes comme Le Lorrain, Vernet, Van Vitteli, à son goût pour le pittoresque et la vie quotidienne des napolitains, pauvres ou fortunés.

- Vendeur de Pastèques sur la Baie de Naples, Londres, Trafalgar Galleries, 1757 (N. Spinosa et L. Di Mauro, Vedute napoletane del Settecento, Naples, 1989, no. 152, pl. 85), collection privée.

      La carrière de Pietro Fabris est également étroitement liée à un personnage important dans la vie politique, artistique et scientifique de cette deuxième moitié du 18ème s à Naples, l'ambassadeur anglais, Sir William Hamilton.
    Il partageait  avec le diplomate la passion pour la vulcanologie et les paysages pittoresques de la côte Amalfitaine. Hamiltion qualifiait ainsi Pietro Fabris « d’artiste ingénieux et des plus habiles ». L’envoyé de la couronne britannique ne possédait pas moins de trente-deux œuvres de l’artiste, exposées au Palazzo Sessa.
     Mais ce goût d’Hamilton se transforma en véritable collaboration scientifique et artistique, lorsque celui-ci le commissionna pour la réalisation, en 1776, des planches de son fameux Campi Phlegraei, du nom des Champs Phlégréens, véritable traité de vulcanologie, et de son supplément en 1779. Les Champs Phlégréens compilent les notes d’Hamilton sur les éruptions des années 1756, 1760, 1767, 1771 et les transformations du cratère lors de l’éruption de 1767.

Planche XXXVIII : Vue de nuit du 11 mai 1771, William Hamilton escortant les Majestés siciliennes devant un fleuve de lave. Pietro Fabris s'est représenté, en bas à gauche, croquant la scène.
      Les Champs Phlégréens renvoient à la région volcanique qui se situe à l’ouest de Naples, déjà visitée par les colons grecs et les touristes romains. Cette région aurait donné lieu à la légende des Champs Elyséens. Cet imposant ouvrage compile les lettres adressées à la Royal Society, dont Hamilton était membre depuis 1766, retraçant l’activité alors intense du Vésuve. Il est aujourd’hui considéré comme l’un des premiers grands traités de vulcanologie moderne. Il fut traduit en français par Hamilton lui-même. En quatre ans, on estime à vingt-deux le nombre d’ascension du Vésuve que Sir William Hamilton et Pietro Fabris effectuèrent ensemble.
      Pietro Fabris réalisa 58 gouaches pour cet ouvrage, qui furent ensuite imprimées et coloriées à la gouache par des artistes locaux. Sir Hamilton nous indique que les planches ont été réalisées « under my own eye, and by my direction, with the utmost fidelity ». En effet, très soucieux de la précision des illustrations, Hamilton accompagna le peintre dans ses sens de croquis sur le paysage. Hamilton est représenté dans de nombreuses planches comme le personnage en redingote rouge et Fabris comme un personnage en bleu, à son chevalet ou transportant son matériel. Les représentations des paysages et des personnages qui les peuplent invitent non seulement à se pencher sur l’aspect scientifique et topographique de la région de Naples et de son volcan, mais également à décrire la vie quotidienne qui habite ses paysages. Les habitants cohabitent avec les éléments naturels, parfois destructeurs (pêcheur, chasseur…).
    Les planches de cet ouvrage devinrent très populaires, ils constituèrent des prototypes pour les paysagistes napolitains de la première moitié du 19ème s, pour répondre à la demande de plus en plus croissantes des voyageurs de souvenirs de la région et des éruptions du Vésuve. Les planches elles-mêmes étaient parfois déchirées de l’ouvrage et exposé comme des œuvres  à part entière. Cela explique que nombre d’exemplaires des Campi Phlegraei sont incomplets.

Vue de l'éruption du 9 Août 1779 (Annexe 2)
     D’un prix très onéreux, cet in folio ne sera tiré qu’à peu d’exemplaires, d’autant plus qu’il avait été réalisé en grande partie sans souscription, ce qui le ruina en partie. De retour à Londres en 1801, et pour éponger ses dettes, il vendit, chez Christie’s, sa collection de peintures pour £6000 et de vases pour £4000.

     La scène picturale londonienne fut aussi importante pour Fabris, de par son goût pour les aquarelles et les peintures, et surtout ses gouaches et tempera tant apprécié en Angleterre. Il exposa à la Free Society en 1768 deux toiles du Pausilippe et à la Society of Artists of Great Britain en 1772.
      Les deux expositions auxquelles participa Pietro Fabris durent être un grand succès pour lui eut égard au fait que Paul Sandby et Archibald Robertson, entre 1777 et 1782, publièrent un ouvrage, intitulé Twenty Views of Naples and its environs, à Londres, transposant les dessins de Fabris en plaques, en recourant à la technique de l’aquatinte, technique qui rendait au plus près les effets de l’aquarelle. Cet ouvrage fut fondamental dans la diffusion de l’iconographie de la ville de Naples et de ses environs, dans tout l’Europe. L’œuvre de Pietro Fabris fut fondamentale dans le renouvellement du paysage napolitain au 18ème s et influença très fortement les choix artistiques des peintres de paysage de la première moitié du 19ème s. Cela est encore plus vrai dans le domaine de l’estampe où le rôle du prototype est encore plus sensible.

     Les amis d’Hamilton aimaient aussi les œuvres de Fabris comme Kenneth Mackenzie, Lord Fortrose. C'est de sa collection que provient l'un des tableaux les plus célèbres de Pietro Fabris.
- Le concert, 1770 (Edinburg, Scottish National Gallery) : intérieur de l’appartement de Lord Fortrose à Naples, avec Sir Hamilton et le jeune Mozart, alors âgé de 14 ans, avec son père, Léopold au piano.


La fin de sa vie ne nous est pas bien connue.

Parmi ses dernières oeuvres connues figurent :


- Pèlerinage au Sanctuaire de la Madonna dell’Arco, 1792 (Matthiesen, Londres, pubbl. in Spinosa, 1987, fig. 410).

Bac sur le Volturno, près de Caiazzo, Fritzwilliam museum, 1801
    Sa dernière oeuvre connue date de 1804, il s'agit d'un dessin représentant un homme jouant au "cavallina", conservé au musée di San Martino de Naples.

      Pietro Fabris est une figure essentielle pour le développement des gouaches napolitaines. Nombre de ses oeuvres serviront de prototypes à la future génération d'artistes napolitains.

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